Historique

La Bière, les Brasseurs à Valenciennes 1677-1789 ( par Achille TROTIN )

La bière est une boisson typique de la région. En effet, six brasseurs sont cités dans le Neufbourg en 1086. Sa consommation semble aussi être un révélateur social.

Pour une bonne compréhension, il ne faut jamais oublier : le monopole corporatif, (l'imposition sur la bière,  principale ressource du Magistrat) qui fixe donc le prix, contrôle la fabrication et la vente de la bière, ce dans une ville ceinturée de murailles.

La Fabrication de la Bière.

  • Les Moyens de Production.

La production a lieu dans les rares brasseries utilisées par les bourgeois, dans celles des couvents mais surtout dans celles des marchands-brassseurs. Les brasseriessont dispersées au long des cours d'eau, sans localisation restrictive. En un siècle, le nombre des brasseries des marchands passent de 30 à 20. Les brasseurs changent de brasserie durant leur activité. Le personnel permanent est souvent restreint à deux valets.

     • La Fabrication.

Les matières premières sont l'eau des rivières, l'orge, seul grain autorisé, et le houblon. L'usage de la sauge, des framboises et des cerises est toléré, par contre celui des pieds de veaux, interdit, se maintient toujours. Le maltage se fait à la brasserie. Le brassage s'effectue sous l'étroite surveillance des commis des octrois. On utilise deux mencauds d'orges (102,58 litres) pour obtenir 64 pots de forte bière cabaretière (116,48 L) ou 74 pots de forte bière bourgeoise (134,68 L). La cuisson se fait en deux temps : elle dure d'abord neuf heure puis neuf à dix heures. Pour chaque tonne de forte bière, on est autorisé à produire deux tonnes de petite. Toute la fabrication est figée pour des raisons fiscales. Aussitôt entonnée, la bière est livrée par des brouteurs assermentés. Elle est goûtée par les égards dans les cabarets.


La Vente, les variations des prix et leurs répercussions sur la consommation et la production.

     • Les Vendeurs

Seul le cabaretier vend au détail soit de la forte bière, soit de la petite bière cabaretière.

     • La Variation des Prix

Elles révèlent trois mouvements de hausse :

  • une hausse de longue durée avec un doublement du prix de la bière sur un siècle,
  • des hausses cycliques correspondant à des disettes,
  • et un léger mouvement saisonnier.


La principale cause de ces fluctuations est la hausse de l'orge (avec un coefficient multiplicateur de 2,5 en un siècle), ainsi que l'irrégularité de son prix provoquées par les disettes et la spéculation. Seul le salaire du maître-valet a doublé . Les bénéficiaires des brasseurs restent fixés et figés. Par contre, les impôts qui pèsent lourdement sont aussi un facteur d'augmentation.

Avant la conquête par Louis XIV, ce sont le droit de grain braisé et la maltote.

Après la conquête, la ville doit payer la construction de sa citadelle. Les anciens impôts passent de 10 livres 12 sous à 14 livres 18 sous. Ensuite apparaissent le rachat des offices héréditaires de jurés-brasseurs, devenu un impôt qui se perpétue de 1696 à 1789, puis les deux liards au pot, les sous pour livre.

La maltote varie selon le lieu de consommation : la bière bourgeoise paie 7,4 fois plus d'impôts dans la ville que dans la nouvelle banlieue rattachée à Valenciennes en 1677. A elle seule, la bière fournit 57,9% de la recette des impôts en 1755-1756. La part des impôts dans le prix de vente de la bière oscille entre 45% et 65%.

Quand on compare les variations des prix des matières premières et de la bière, on constate :

  • que sur la longue durée, la hausse de la bière n'accuse qu'un léger retard,
  • que, par contre, lors des crises cycliques l'augmentation du prix de la bière reste minime (en 1673 : 16,66%) par rapport à celle du prix des matières premières (en 1673 :  107%).

     • C'est dû à l'action du Magistrat

Il fixe le prix de la bière cabaretière tous les trois mois avec de plus en plus de rigueur au XVIIIème siècle. En 1785, certains frais des brasseurs sont fixés définitivement mais leurs profits sont régulièrement réévaluables !

Il utilise d'autres moyens de pression : le recensement des réserves de grains avec évaluation du prix d'achat, il autorise une bière contenant moins d'orge, il suspend le monopole des brasseurs.

     • Les difficultés

L'action du Magistrat n'empêche pas toujours la chute de la consommation et le moindre rendement des impôts.

Le comportement des consommateurs varie :

Il diffère selon la quantité et la qualité achetées et selon leur lieu de résidence. Intra-muros les consommateurs de petite bière sont des ouvriers, ceux de forte bière, des marchants, des entrepreneurs, des négociants, des médecins …

La consommation  de bière cabaretière s'effondre au XVIIIème siècle. C'est dû à la crise économique dans la mulquinerie (= tissage).

Par contre, la consommation de bière bourgeoise s'accroît essentiellement dans la nouvelle banlieue moins imposée où ce sont les ouvriers, les maraîchers… qui consomment la forte bière.

Certains consommateurs se rabattent sur la petite bière, sur les relavures de tonneaux ! L'utilisation du cidre et du poiré non taxés se développe jusqu'à ce qu'on les impose fortement. Le recours à l'illégalité est courant : la fréquentation des cantines militaires, des couvents, la consommation en pays forain malgré les sanctions (en effet en 1690, le pot y coûte 2 sous contre 5 en ville). Des particuliers de la nouvelle banlieue vendent clandestinement.

     • La situation des brasseurs s'aggrave.

La réglementation se développe. L'étau se resserre. Le pourcentage du bénéfice du brasseur passe de 5,1% en 1673 à 2,05% en 1783. Seul le non paiement immédiat des bières par les cabaretiers désargentés permet aux brasseurs d'empocher le montant d'une augmentation puisque la bière reste la propriété du brasseur.

Le brasseur ne peut travailler que dans une seule "huisine". Le développement de certaines brasseries est dû à des circonstances indépendantes de la volonté de ces brasseurs. Il faut attendre la disparition des plus faibles. La nouvelle clientèle du bassin houiller, en expansion, leur échappe. Le commerce est strictement local. Les brasseurs ne maîtrisent pas leur destin. Toute innovation est impossible, la fabrication est figée.

Si certains brasseurs sont encore à l'aise au début du XVIIIème siècle, aucun ne figure jamais dans le Magistrat. Ils s'appauvrissent ensuite : leur part dans la capitation baisse de 2,81% en 1698 à 1,34% en 1786. 

 

Achille TROTIN

La bière et la révolution ( Par Philippe Voluer )

A la veille de la Révolution, la bière est la boisson la plus consommée de la moitié nord de la France. Mais cette consommation reste relativement limitée à cause de son prix.

La consommation pouvait s’effectuer à la brasserie elle-même, dans un débit annexé, comme dans les microbrasseries d’aujourd’hui, ou dans les tavernes et auberges qui achetaient leur bière dans les brasseries. Mais la fabrication domestique semble avoir été très importante. Les chiffres officiels font état d’une consommation de 130 litres par an et par habitant à Lille en 1783, ce qui est loin des 350 litres consommés cent ans plus tard. A cette époque, la bière n’était pas seulement consommée comme simple boisson. C’était également un aliment liquide, une boisson saine et hygiénique, grâce à l’ébullition et aux vertus antiseptiques du houblon. Faiblement alcoolisée, elle favorisait également la digestion grâce à la levure. On était donc en présence d’un véritable médicament, et elle était systématiquement conseillée en période d’épidémie. Les brasseurs utilisaient d’ailleurs des herbes et épices plus ou moins exotiques, dont les vertus médicinales étaient connues!; on trouvait donc couramment du houblon, du nénuphar, de la coriandre, de la cannelle, du sassafras, de la réglisse, de l’orange amère, de la cardamome…

 

Le prix élevé de la bière venait de l’utilisation importante de céréales!(environ 60 litres par hectolitre) dont le cours était très variable. L’utilisation d’orgeet de froment pouvait même être interdite en cas de disette, ce qui était relativement courant et dura jusqu’en 1816. D’autre part, la bière subissait une imposition très élevée de la part des contrôleurs locaux et des Fermiers Généraux, qui percevaient l’ «!aide!» destinée au Trésor royal. Ces Aides disparurent, comme les autres taxes, en 1791, mais elles furent remplacées par un nouvel impôt en 1804.

 

On pourrait croire que cette suppression d’impôt allait développer l’activité brassicole. Quelques progrès furent bien sûr apportés à l’industrie de la Brasserie sous la Révolution!: achat du matériel de brassage des abbayes, hausse de la consommation grâce aux fêtes révolutionnaires, aux passages de troupes… Mais les guerres, les troubles politiques, les crises économiques, les difficultés d’approvisionnement limitèrent également la consommation!: en 1804, elle n’était plus que de 100 litres par an et par habitant. Le métier de brasseur était également un métier difficile, qui nécessitait avant 1789 un apprentissage de cinq ans puis un compagnonnage de trois ans. L’investissement était aussi très important, alors que le cuivre était très rare. La profession progressa donc très peu sous la Révolution ( 2% de maîtres-brasseurs en plus entre 1789 et 1801 dans le département du Nord ).

 

Il ne faut pas croire pour autant que la Brasserie fut plus en crise sous la Révolution que les autres activités économiques. La bière fut la boisson révolutionnaire par excellence. Fabriquée localement, concurrençant largement le vin (dont le prix était toujours deux fois plus élevé), elle fut de toutes les nombreuses fêtes révolutionnaires et accompagna les Sans-Culottes en marche pour la défense de la patrie. Elle était également la seule boisson populaire et démocratique, et restait à la portée de toutes les bourses, son prix étant toujours au moins deux fois moins élevé que celui du vin. Le Sans-Culotte, personnage central des grandes villes, était le type même du Révolutionnaire buveur de bière, et un véritable champion de l’égalitarisme, dans son comportement que dans son costume ou le choix de sa boisson quotidienne.

Si la masse des Sans-Culottes était surtout importante en ville, ils n’étaient que rarement commandés par des prolétaires. Leurs chefs étaient avant tout des petits patrons ou de petits bourgeois qui dirigeaient la politique locale. C’est donc parmi eux que furent choisis les nouveaux responsables des communes!: on vit souvent des brasseurs devenir maires et officiers de la garde nationale, et accéder pour la première fois au pouvoir local. La Révolution marque donc le point de départ de l’essor de la bière en France et du rôle politique croissant du brasseur.

 

Philippe VOLUER.

© Contribution de M. Philippe Voluer Brasserie artisanale la Choulette à Hordain, France Historien de la bière www.Lachoulette.com
53, rue JB Collin F - 55700 – STENAY www.philippe-voluer.com

Qui étaient les Sans-Culottes ?

L'épithète "sans-culottes", qui est antérieure à la Révolution, s'impose avec le journal de Marat, L'ami du peuple : il désignait familièrement tout homme qui ne porte pas la culotte courte avec des bas, ce qui était au XVIIIème siècle le costume ordinaire des nobles et des bourgeois. Il est indicateur de la condition sociale des travailleurs manuels, des manouvriers, des artisans.

Au début de la Révolution française de 1789, le nom "Sans-culottes" est donné par mépris aux manifestants populaires qui portent des pantalons à rayures et non des culottes, symbole de l'ancien régime.

Les sans-culottes sont des révolutionnaires issus du petit peuple de la ville et défenseurs d'une République égalitaire. Ils sont jugés par les autres révolutionnaires comme "radicaux" car ils prônent une démocratie directe, c'est-à-dire sans intermédiaires comme les députés. Ils se distinguent par leurs modes d'expression, en particulier vestimentaires. Leur tenue comporte un pantalon à rayures bleues et blanches, au lieu de la culotte courte et des bas, portés par les nobles et les bourgeois, ainsi qu'un bonnet phrygien rouge, et une tendance à la simplicité. Ce costume est un signe de protestation, arboré par des avocats, des commerçants, des employés, des artisans, des bourgeois, puis par les membres de toutes les conditions qui se présentaient comme "patriotes".

Le sans-culotte est un personnage important de la Révolution française, qui s'oppose à celui de l'aristocrate par son costume, ses manières, son langage, ses symboles empruntés, mais de façon allégorique, aux couches les plus populaires de Paris et à une vision idéalisée de la Grèce antique.

Les Sans-culottes vont devenir rapidement un véritable mouvement de mode, aussi bien dans le domaine du costume que de la langue, de la musique, de la décoration, de la cuisine, de la civilité, de l'humour, de la manière de parler, et des idées : le sans-culottisme.

L'Histoire de la culotte et du pantalon

Depuis la nuit des temps, et encore au Moyen-Age (476-1492), femmes et hommes allaient les fesses nues sous, respectivement, leurs jupes et leurs pantalons et ce, jusqu'au milieu du XIXème siècle, et personne ne s'en offusquait !

Bien au contraire, la bienséance voulait que les femmes vertueuses devaient aller sans culotte, et que cette dernière (ancêtre du pantalon) était réservée aux femmes aux mœurs légères ! (© Le Nouvel Obs)
En effet, une femme de qualité se contentait d'un jupon ou d'une chemise de toile fine, ornée de dentelle d'Alençon et elle ne porte aucune "culotte" dessous, malgré la tentative infructueuse de Catherine de Médicis, à l'époque de la Renaissance (1492-1789), d'introduire la culotte pour la femme, qui est, à l'origine, un vêtement moulant porté exclusivement par les HOMMES, qui couvrait séparément les jambes, de la ceinture aux genoux ou à mi-mollets ;
D'ailleurs, l'expression "porter la culotte" ne fait pas référence au sous-vêtement, mais au pantalon par opposition à la jupe.

Avant et après Catherine de Médicis, les femmes, de grande comme de petite condition, se trouvaient entièrement nues sous leurs vêtements, et il fallut attendre bien plus tard pour voir apparaître la petite culotte !

La nudité, sous la robe, sera même l'objet de bien des aventures et mésaventures. Ainsi, la chute de cheval de Mme de La Fayette fera bien rire Louis XIV.

C'est au cours de la Révolution Française que le pantalon, vêtement adapté pour les travailleurs manuels et artisans, refit surface grâce aux révolutionnaires qui l'arborait en signe de contestation : c'est pourquoi les aristocrates les appelèrent des sans-culottes.

Ce n'est que dans les années 1800 que "le pantalon de lingerie" commencera à être porté comme sous-vêtement.
Il fut importé en Angleterre (pays au combien puritain) où il était porté par les jeunes filles lors de leurs séances de gymnastique. A l'époque, on lui prédit un avenir éphémère, car celui-ci dépassait très légèrement de la robe, à la hauteur des chevilles ! (© Chronique de la France et des Français ; LAROUSSE)

Les stylistes le firent, alors, plus court, et comme, par sa longueur, il ressemblait à l'ancien vêtement d'homme, ils appelèrent ce nouveau sous-vêtement "culotte".

La culotte remplaça progressivement, jusqu'en 1930, les pantalons de lingerie, fendus ou non, que portaient auparavant les femmes sous leurs robes. (© Histoire imprévue des dessous féminins ; Cécil SAINT-LAURENT)

A cette époque, la mode des robes moulantes rendirent ces culottes gênante, et plutôt que de revenir en arrière et ne pas en porter (soit disant pour de raisons d'hygiène) la mode créa la culottes courte (également appelé : short) qui s'arrêtait au-dessus du genou. (© Chronique de la France et des Français ; LAROUSSE)

Les années suivantes firent raccourcirent la culotte et lui donnèrent le visage qu'on lui connaît désormais, jusqu'au string des années 1980 ; et là, c'était pour la discrétion.

Si on veut respecter l'évolution "naturelle" des choses, l'étape suivante devrait être sa disparition complète, et ainsi revenir à un fait plus juste ; car il apparaît que l'homme (dans le sens général du terme) l'utilise comme sous-vêtement depuis moins de 2 siècles !

Et puis dans d'autres pays, jusqu'à récemment, porter un vêtement sans dessous était quelque chose de courant ; comme le kimono japonais (cf : les films traditionnels), le sari indou, le paréo tahitien, et le célèbre kilt écossais !